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Comment COVID-19 pourrait changer les ressources en santé mentale pour les collectivités rurales et éloignées

Par Clayton Murphy, représentant du réseau Jack.org

14 avril 2020

Les personnes qui vivent dans les régions rurales et éloignées du Canada sont depuis longtemps confrontées à une accessibilité réduite aux services de santé, en particulier ceux relatifs à la santé mentale. En Nouvelle-Écosse, là où j’ai grandi et où je milite pour la santé mentale, plus de 60 % de la population vit à l’extérieur des villes. Pourtant, la majorité des ressources en santé mentale ne sont disponibles que dans les régions métropolitaines. Il s’agit d’un obstacle majeur à une bonne santé pour les habitant.e.s des petites municipalités et des communautés rurales et éloignées. Ces personnes sont souvent confrontées à une pénurie de médecins, à la fermeture d’hôpitaux et de centre médicaux, et à un manque de services en santé mentale.

L’inaccessibilité aux services de santé mentale en personne est devenue une réalité pour tou.te.s depuis l’apparition de la COVID-19. Dans un effort monumental pour limiter la propagation du virus, tous les niveaux gouvernementaux ont imposé la distanciation sociale et la fermeture des services non essentiels. Les hôpitaux et les fournisseurs de service respectent des normes très strictes, comme limiter les visites aux soins essentiels. Ainsi, de nombreuses personnes ayant besoin de services de santé mentale n’ont plus accès aux séances de thérapie en personne, aux groupes de soutien, aux conseillers, aux infirmiers psychiatriques et à d’autres services essentiels à leur bien-être psychologique.

Au cours des dernières semaines, beaucoup de jeunes ont perdu l’accès à des formes de soutien dont ils dépendent pourtant. Ce problème est commun dans les zones rurales où les centres médicaux sont fermés ou inexistants, et où les habitant.e.s se voient obligé.e.s de parcourir de grandes distances pour recevoir des soins. Beaucoup ont du mal à composer avec l’isolement, l’inquiétude liée aux ressources limitées, et la menace d’une diminution ou d’une perte de revenus, qui pourrait rendre difficile l’accès aux services de santé mentale dont ils et elles ont besoin. Même si la fermeture généralisée actuelle est sans précédent, rappelons-nous que l’absence totale d’accès à du soutien en personne ne l’est pas; c’est une réalité de longue date pour les habitant.e.s des communautés rurales et éloignées.

En militant pour la santé mentale, je sensibilise les gens au manque d’accès à des ressources dans les régions rurales et éloignées, en plus de promouvoir les ressources en lignes ainsi que le soutien par les pairs et la communauté. Je participe présentement à un projet de sensibilisation à l’accès aux ressources pour les jeunes vivant dans les régions rurales et éloignées de la Nouvelle-Écosse. Ce projet tente de résoudre un problème répandu chez l’ensemble des jeunes du Canada : un manque de connaissances sur la manière d’accéder à d’autres formes de soutien. Maintenant que le passage à la vie virtuelle a attiré l’attention sur ces enjeux, le monde commence à comprendre l’importance de formes de soutien virtuel. Par téléphone et par vidéoconférence, par exemple. 

L’essor des communications en ligne sur des plateformes comme Zoom et Google Hangouts s’est synchronisé avec le développement et la mise en œuvre de ressources web et téléphoniques en santé mentale, et avec le partage généralisé des ressources en santé mentale sur les plateformes numériques. Jeunesse, J’écoute a remarqué une augmentation de 300 % de l’utilisation de ses services au cours des dernières semaines, ce qui a incité le gouvernement fédéral à lui offrir une subvention de 7,5 millions de dollars. C’est un bon début; il fallait déjà agir avant, mais il le faut encore plus maintenant. Ces avancées sont les bienvenues, mais il est frustrant de penser qu’il nous aura fallu une pandémie mondiale, et la perte inutile de nombreuses vies, avant d’entamer le passage au virtuel. D’autant plus que nous avions toujours eu la capacité de fournir des services et des ressources en ligne, et que les habitants des communautés rurales et éloignées en ont toujours eu désespérément besoin. 

Maintenant que nous sommes conscient.e.s de l’importance de développer des formes de soutien en ligne, par téléphone et par vidéoconférence, rappelons-nous que les régions rurales et éloignées sont souvent confrontées à un manque d’accès aux services et de connaissances en matière de santé mentale. Même dans les grandes villes, les services sont souvent obstrués par des problèmes, condamnant trop de jeunes à patienter des mois avant de recevoir des soins essentiels en santé mentale. Pour changer les choses de la bonne façon, il est essentiel de fournir de l’éducation en santé mentale. Il faut enseigner aux jeunes les principes de base de la santé mentale, mais aussi les aider à trouver et à comprendre une variété de ressources offertes dans chaque communauté, comme des psychologues, des médecins, des aînés, des ressources en ligne ou d’autres ressources communautaires. La connaissance de ces ressources et l’accès à celles-ci feront une grande différence pour tout le monde, mais surtout pour les habitant.e.s des régions rurales et éloignées qui éprouvent des difficultés. Pour y parvenir, nous avons besoin de la collaboration des décisionnaires à tous les niveaux afin que nos systèmes d’éducation et de soins en santé mentale puissent opérer conjointement et que tous les jeunes soient informé.e.s des ressources à leur disposition.

Entretemps, nous avons toutes et tous un rôle à jouer. Nous pouvons soutenir nos amis et notre famille tout en respectant la distanciation sociale grâce au partage des ressources en santé mentale en ligne que peu de gens connaissent. Si tu ne sais pas comment venir en aide à une personne qui vit peut-être des difficultés d’ordre mental, tu peux consulter le site Être Là, qui fournit des conseils sur la manière de soutenir les autres et d’assurer la sécurité de chacun.e. De plus, Jeunesse, J’écoute offre un service d’aide par texto, par clavardage et par téléphone pour les jeunes qui cherchent du soutien en santé mentale. Il s’agit d’une excellente ressource pour l’ensemble des jeunes, en particulier ceux et celles qui n’ont pas accès au soutien de leurs pairs ou de leur communauté. Jack.org, Santé mentale en milieu scolaire Ontario et Jeunesse, J’écoute ont récemment créé le carrefour aux ressources en santé mentale des jeunes de la COVID-19, où les jeunes peuvent apprendre à prendre soin de leur santé mentale et de celle des autres dans le contexte de la COVID-19.

Un nombre impressionnant de ressources en santé mentale ont été déployées pour répondre à l’augmentation rapide des difficultés rencontrées par les jeunes au niveau psychologique. J’ai espoir que ce n’est que le début et que ces ressources seront maintenues et améliorées pour aider les habitants des régions rurales et éloignées à obtenir le soutien qu’ils attendent depuis si longtemps. Il y a au Canada une crise d’accès aux ressources en santé mentale pour les jeunes; ils sont en détresse et n’ont pas accès au soutien dont ils ont besoin. La COVID-19 met en évidence notre manque de ressources à cet égard. Avoir eu besoin d’une pandémie pour attirer l’attention sur la crise de santé mentale des jeunes au Canada, ce n’est pas l’idéal, mais j’espère que cela nous permettra d’entrer dans une nouvelle ère où la santé mentale des jeunes est une priorité. On en a besoin aujourd’hui, mais aussi demain. Tout le monde a une santé physique et une santé mentale; tout le monde mérite le bien-être. Mettre en place des outils et des services en ligne, c’est bâtir les fondations du bien-être et de la santé mentale pour chacun et chacune d’entre nous, où que nous vivions.